La Couronnette
Jordanie

Nous avons passé quelques jours en Jordanie avant le “World Science Forum” qui s’est tenu du 7 au 10 novembre 2017 au bord de la Mer Morte et avons  visité quelques sites.

Nous avons fait une longue promenade à Jérash, un site romain grandiose. On y voit entre autres une place ovale de proportions magnifiques, une longue rue bordée de colonnes et de temples, deux théâtres et des bains extensifs. Jérash est certainement le plus beau site romain que nous ayons jamais  eu l’occasion de voir. Les paysages  dans toute la région de la ville, au nord de Amman, rappellent, non sans raison, les descriptions de nos catéchismes d’antan.



Le Mont Nébo est le lieu d’où Moïse aurait vu la terre promise avant de mourir. Une église byzantine du 7ème  siècle y fut érigée. Un sol de mosaïque remarquablement conservé en reste sous une structure moderne magnifiquement réalisée. Le lieu est dans les mains des Franciscains. La richesse et la qualité des restaurations sont non seulement un tribut à la beauté de l’endroit et de ses vestiges, mais aussi une marque de possession chrétienne et catholique.  Il est certainement dommage que l’endroit ne soit pas sous une juridiction multi religieuses, tant il est vrai que Moïse se retrouve dans les trois religions monothéistes qui ont leurs racines dans la région. Jéricho est visible de là ; la ville paraît bien normale pour une cité dont on raconte que le soleil a fait 7 fois le tour avant que ses murs ne s’écroulent.


Madaba  est une ville d’importance moyenne dans une église de laquelle on trouve une mosaïque du 6ème siècle représentant une carte de la région surprenante de détails. On constate en la regardant que l’on naviguait sur les eaux de la Mer Morte pendant l’Antiquité. Maintenant, les territoires occupés  font face à la côte jordanienne et on imagine volontiers que l’absence de bateaux que l’on constate est due à la présence de forces militaires hostiles les unes aux autres sur les deux rives.



En parcourant la Route des Rois entre Amman et Petra on rencontre des paysages dont la beauté coupe le souffle, tantôt plats, tantôt coupés de profondes gorges au fond desquels on descend en suivant des routes sinueuses et pentues avant de remonter de l’autre côté pour trouver un nouveau plateau.

 

Le château de Kérac est une immense bâtisse fortifiée construite par les croisés. On reconnaît l’art guerrier médiéval de nos régions en se demandant comment une force d’occupation en terrain hostile a pu construire, ou faire construire, un ensemble aussi imposant de cours, de murailles, de tours, de corridors et de salles souterraines.



Pétra, bien connu de tous les lecteurs de Tintin, est une ville taillée dans la molasse. Les bâtiments y sont grandioses et de proportions dont l’équilibre classique force l’admiration. Toute une ville est visible, mais aussi des tombeaux  que l’on découvre dorés dans le soleil après avoir cheminé pendant une demi heure au fond d’une gorge naturelle étroite bordée de roches jaunes et rouges.


 

Des bédouins avec des chameaux, des ânes et des chevaux promènent des milliers de touristes dont la densité ne semble même pas désagréable tant le site est important. Une longue marche nous a mené jusqu’à un dernier monastère, El Deir, et des paysages de roches ocres, rouges ou noirs. Nous y avons bu un thé servi par un bédouin sombre et souriant qui donnait l’impression d’avoir été taillé à la serpe .

Les châteaux du désert sont à l’est de Amman. Le  paysage y est maintenant plat et aride.  Il semble par contre qu’une large rivière coulait dans la région il y a mille ans. On y découvre un petit château, Qasr Amra, ou plutôt une partie de château comprenant des bains du 8ème siècle, décorés, fait rare en art musulman, de femmes et d’hommes sensuels  en partie dénudés. Un autre château, Haraneh, à quelques kilomètres de là apparaît comme une sentinelle rude et carrée sur la plaine.


 


L’ensemble de sites que nous avons pu visiter et des paysages que nous avons traversés est somptueux. La plus grande partie des ruines est romaine. On trouve donc ici le même héritage antique qu’en Europe, en Sicile par exemple. Il fut cependant intéressant de demander à un Jordanien dans quelle mesure il se reconnaît dans cette tradition et de l’entendre nous dire combien le site de Petra est étranger aux Arabes modernes. D’une manière ou d’une autre la chaîne culturelle grèque, helléniste et latine s’est interrompue au fil de l’arabisation de la région. C’est d’autant plus surprenant que les arabes ont hérité du savoir grec et l’ont enrichi pendant des siècles entre l’Antiquité et la Renaissance, avant que les Européens n’en redécouvrent la richesse et construisent leur civilisation avec.

Enfin à la fin du forum j’ai eu encore la possibilité de visiter  le site présumé du baptême de Jésus par Jean Baptiste sur les rives du Jourdain. Le côté jordanien y est à quelques mètres de la côte occupée par Israël. Un groupe d’Ukrainiens se faisaient baptiser en face de nous pendant notre visite. Ils chantaient en sortant de la rivière ce que nos voisins nous ont dit être des chants nationalistes ukrainiens violents. Autant pour les prétentions pacificatrices des religions.

 

Durant tout ce périple nous avons ressenti  une grande tristesse.  Savoir toute la région enflammée dans une violence sans fin, savoir qu’il y a un million et demi de réfugiés en Jordanie, imaginer la souffrance de populations entières ne peuvent laisser les hôtes de passages indifférents. Ni les peuples locaux, ni leurs gouvernements, ni les puissances mondiales n’ont la volonté ou la force de mettre fin à des décennies d’horreur.  C’est un dernier héritage de la seconde guerre mondiale, du colonianisme européen, des tensions religieuses et de celles qui naissent maintenant des changements climatiques.

Le World Scientifique Forum avait pour thème « Science for Peace ». Une manière, j’espère, de contribuer un peu à un avenir plus doux pour toute la région.